CRIME D’ETAT DANS LA MER MEDITERRANÉE, EN GRECE
600 IMMIGRANT.ES MORT.ES
« Les garde-côtes grecs se sont approchés de nous et nous ont lancé une corde bleue. Ils ont commencé à
nous remorquer. La façon dont ils nous tiraient n’était pas correcte. On criait. Le navire a alors commencé à
prendre de la gîte sur la gauche, les garde-côtes se sont tournés vers le côté opposé et notre navire a commencé
à prendre de la gîte sur le côté et à couler. Nous essayions de monter à bord, nous voulions survivre. Les garde
côtes ont détaché la corde. On criait à l’aide. Ils ont fait tourner leur bateau, créant une grosse vague, et notre
bateau a complètement chaviré. Les personnes qui se trouvaient sur le côté du bateau se sont retrouvées en
dessous. Nous pouvions entendre les gens dans la cale frapper sur les fers. Le bateau a complètement coulé. »– Temoignage patagé par le journaliste Fallah ELIAS de la chaîne allemande WDR
Le 14 juin 2023, encore une page noire a été écrite dans l’histoire meurtrière d’une Europe forteresse,
qui met en avant la protection de ses frontières au détriment de la vie humaine. Le bilan des victimes des
politiques migratoires européennes ne cesse de grandir et la Méditerranée est devenue un vaste cimetière. Vers
2h du matin à Pylos, au sud-ouest de la Grèce, un navire de pêche en direction d’Italie, surchargé avec les
espoirs d’une vie en sécurité d’environ 700 exilé.e.s, a été coulé.
Chronique du naufrage :
13 juin, matin : L’activiste Nawal SOUFI tire la sonnette d’alarme, relayant sur Twitter l’information sur un navire en
détresse.
14h17 : La hotline de sauvetage en Méditerranée Alarme Phone reçoit un premier appel au secours depuis le navire. Les
passager.e.s signalent être en grand danger.
14h30-16h13 : Alarme Phone mène plusieurs opérations d’établissement de communication avec le navire, à la recherche
de sa localisation.
16h53 : Repérage du navire et signalement d’un navire en détresse. Localisation du navire par les autorités grecques et la
Frontex.
17h20 : Frontex accuse réception de l’information et lance une opération pour localiser le navire. Les passagers du navire
tentent à nouveau l’appel au secours. Ils signalent à la hotline que le navire est à la dérive et n’avance plus. Or, selon la
version des autorités grecques, les passager.e.s ne les auraient pas sollicités.
18h : Intervention retardée. Le garde-côte n’a mené aucune opération de sauvetage, sous prétexte de refus de l’aide de la
part des immigré.e.s.
A
u mépris du code de sauvetage maritime, le garde-côte a côtoyé le navire surchargé, pendant 7 heures,
sans mener aucune opération efficace de sauvetage. Aucune distribution de gilets de sauvetage n’a eu lieu.
D’après les témoignages des survivant.e.s, le garde-côte aurait accroché une corde au navire, ce qui l’aurait fait
chavirer à cause des mauvaises manipulations par le garde-côte. Selon les médias, on compte 82 personnes
mortes et au moins 600 portées disparues.
Ces pratiques ressemblent fortement aux opérations désormais très répandues à la mer Egée de
refoulement sous forme de pushbacks vers l’espace maritime du pays de départ ou bien de pushforwards vers
les pays voisins, afin de décourager les arrivées de migrant.e.s. Ce naufrage est la preuve concrète que les
exilé.e.s sont prêt.e.s à emprunter de nouveaux itinéraires terriblement dangereux pour éviter le passage par la
Grèce dont les pratiques de refoulement que cela soit à Evros ou dans la mer Egée ont été dévoilés et
condamnés à une échelle mondiale. Les refoulements de la part des autorités grecques, se font avec l’accord
implicite de l’Union Européenne, qui finance des méthodes meurtrières de protection de ses frontières à tout
prix (800millions d’euros pour l’équipement militaire de protection contre 600.000 euros pour les opérations de
recherche et de sauvetage en mer) ; elle signe des accords avec le régime militaire libyen ainsi que le régime
autoritaire turque, afin de retenir les exilé.e.s pour que ces dernier.e.s n’atteignent pas l’espace européen.
Du fond de la Méditerranée, au mur d’Evros et jusqu’aux CRA parisiens et les évacuations violentes des
lieux d’hébergement des exilé.e.s en banlieue parisienne, les politiques européennes migratoires font preuve
d’un racisme manifeste et d’une violence inédite, en violation des droits humains. Ce naufrage, un crime d’Etat,
a survenu entre les deux tours d’élections parlementaires en Grèce, le résultat duquel est une victoire
hégémonique de la droite extrême. Une droite qui a normalisé le discours polarisant cherchant à créer, au visage
des immigré.e.s, des ennemi.e.s qui menacent « l’intégrité nationale ». L’institutionnalisation de ce discours, à
travers des lois racistes anti-migratoires, comme la Loi Darmanin, sert à la systématisation des rétentions
administratives et les expulsions en masse.
Enfin, la mise en œuvre de ces politiques se traduit également au cœur du pays, loin du cimetière
méditerranéen et des médias, avec le meurtre de Nahel par les forces de l’ordre de plus en plus militarisées,
parce que la désignation des personnes racisées comme ennemies extérieures (traversant les frontières) ou
intérieures (vivant dans les Cités), est la composante principale d’un système qui tue.
A bas les frontières ; A bas les politiques qui criminalisent la migration ;
A bas les pratiques de refoulement ; Pour que nous n’ayons plus jamais d’autres morts en Méditerranée
Initiative grecque, AG de migrant.es grec.ques à Paris
Pylos
